BIÈRE BELGE: MYTHE OU RÉALITÉ ?

Notre pays se doit de faire honneur à sa réputation. Le nom et le renom de la bière belge sont appréciés jusque dans les coins les plus reculés des six continents. Les amateurs de bière considèrent la Belgique comme le “paradis de la bière” par excellence. Demandez à d’innocents touristes ce qui caractérise la Belgique. Certains bafouillent : « la Belgique ? » La plupart chantent les louanges de Bruges, de notre chocolat, des Diables Rouges et bien sûr : de notre bière.

Mais la bière belge existe-t-elle ? La Belgique peut-elle s’arroger le titre de “meilleur pays de la bière au monde” ? La réponse est deux fois « oui » et deux fois « non », avec un accent sur le “oui”. Pour bien comprendre la culture de la bière belge, il faut considérer différents aspects, géographiques, historiques, religieux, politiques et légaux. La Belgique fait partie de ce que l’on appelle la ceinture brassicole européenne, une large bande qui traverse l’Europe d’est en ouest. Notre petit pays dispose des matières premières nécessaires (l’orge, le houblon…) pour produire de la bière et certaines régions sont connues pour la qualité excellente de leur eau. Spa est même une notion générique dans le monde de l’eau minérale.

Tout au long de notre histoire, nous avons été occupés par des nations étrangères: Français, Espagnols, Autrichiens, Allemands… Et oui, même les Hollandais, nous ont eus sous leur coupe. Notre réaction fut double. Nous avons adopté les bonnes choses et avons intégré ces influences dans notre culture (de la bière). Par ailleurs, nous avons obstinément défendu nos traditions (brassicoles) pour conserver notre identité. Six des dix brasseries trappistes se situent sur le territoire belge. Ce n’est pas un hasard. La Belgique catholique a été pendant des siècles une terre d’asile pour de nombreux religieux qui risquaient leur vie dans leur pays d’origine. Nos voisins du Nord (Pays-Bas) et de l’Est (Allemagne) ont embrassé le protestantisme. Dans l’agitation qui secouait la France, les ecclésiastiques étaient souvent persécutés. Dans bien des cas, les moines trouvèrent une deuxième patrie dans nos contrées. Comme la boisson populaire par excellence était la bière, les nouveaux arrivants jetèrent leur dévolu sur l’activité brassicole. Pour notre plus grand plaisir. D’ailleurs, les deux brasseries trappistes néerlandaises se situent à un jet de pierre de la frontière avec notre pays.

Comme toujours, la politique a joué un rôle. Chaque village belge digne de ce nom comptait au moins deux brasseries. L’une d’obédience catholique et l’autre de tendance libérale ou socialiste. Payer une pinte semblait en effet une arme puissante en pleine campagne électorale. Dans bien des cas, le brasseur était d’ailleurs aussi le bourgmestre. Bonne tradition si vous voulez mon avis : une bière bien fraîche en lieu et place de discours politiques qui ne font que plomber l’ambiance.

De la politique aux interventions des pouvoirs publics, il n’y a souvent qu’un petit pas. La Loi Vandervelde, qui date de 1919, interdisait que l’on serve des alcools forts dans les cafés. La situation était criante, après une dure semaine de labeur, les ouvriers étaient en effet payés dans l’auberge locale, qui était souvent la propriété du patron. Des hommes fatigués avec de l’argent en poche et entourés de leurs copains dans une auberge, le cocktail était détonant ! Conséquence : des hommes ivres qui rentraient chez eux sans le sou, donnaient quelques bonnes claques à leur femme qui en passant était aussi la mère de leurs enfants et plongeaient leur famille dans la misère. La loi se devait de régler cette situation et de lutter contre l’alcoolisme dans les couches les plus pauvres de  la population. Les brasseurs ont saisi leur chance et ont commencé à commercialiser des bières avec un volume d’alcool plus élevé. Quelques grands classiques ont ainsi vu le jour à cette époque. La loi Vandervelde s’est donc révélée être un coup d’épée dans l’eau, mais nous devons quelques excellentes bières à cette intervention des autorités.

Comparés à leurs collègues allemands et anglais, nos brasseurs étaient relativement libres. Les brasseurs allemands étaient engoncés dans le carcan du Rheinheitsgebot (ils ne pouvaient utiliser que du houblon, de l’eau et de la levure). Ce décret ne fut partiellement supprimé qu’en 1987, sous la pression de l’Union européenne. Les brasseurs anglais quant à eux étaient limités à cause des accises élevées sur l’alcool. Le premier ministre Gladstone avait basé les accises sur le degré d’alcool de la bière à partir de 1880 en remplacement de la taxe sur le malt. De ce fait, ce sont les bières légères qui ont fini par dominer le paysage brassicole anglais.

Tous ces éléments conjugués ont constitué la base d’une activité brassicole florissante. Les couleurs, les parfums, les goûts… Nous disposons à présent d’une offre de bière très large qui trouve son origine dans les événements décrits ci-dessus. La qualité de la bière belge trouve son origine dans le savoir-faire, dans la passion et la créativité indéfectibles de nos brasseurs.

Photo: Thierry Geenen

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